Depuis des jours, celles et ceux que je rencontre semblent s’être donné le mot. Tous me disent comme ils ont posé des intentions claires, comme ils s’en sont remis à plus grand qu’eux, quelle que soit la forme de ce plus grand.
La salle de bain du rez-de-chaussée est dans son jus. Il y a du lambris doré aux murs. C’est la pièce que je préfère. Elle ne donne pas sur le lac. Elle n’a pas de vue renversante. Mais quand j’y suis, je suis dans une nouvelle de Carver. Je suis peut-être même un homme qui s’échappe quelques jours dans un chalet au fin fond du Canada, dans le froid, pour reprendre son souffle et ruminer ses peines. Il y a une baignoire sur pieds, à l’ancienne. Le pommeau de douche se pose sur un système qui ressemble à celui des vieux téléphones. Quand j’ai fini de rincer le fond de la baignoire, je raccroche.
Il n’y a pas de volets ; la nuit n’est jamais noire. La lune éclaire la neige qui éclaire l’intérieur de la maison. Je trouve que cela gêne pour bien dormir, et je constate que cela n’empêche pas les démons nocturnes de venir. Mais le matin, quand j’ouvre les yeux et que je vois les arbres dans le petit matin, il se pourrait que je pleure ou que je m’évanouisse, comme assommée, devant tant de beauté. Je pense à chez moi, aux arbres de chez moi. Je pense globalement à la beauté des arbres, où qu’ils soient. Leur beauté, leur beauté, leur beauté renversante. Ce n’est pas permis ça, tant de beauté.
De grandes fenêtres triangulaires donnent sur le lac et c’est là que le soleil se lève. Il me suffit de relever un peu la tête, de caler l’oreiller, et je peux voir le soleil débarquer. Il empourpre le ciel et on croit le jour arrivé déjà. Mais non. Le soleil empourpre le ciel avant de poindre. Il faut imaginer la scène : la neige partout, les arbres debout, le ciel orange, brûlant au-dessus du lac gelé, puis le soleil qui débarque. Il va vite. Il ne faut rien manquer. En quelques minutes, il est haut déjà. Le jour est là. Je me lève.
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