Quand avais-je perdu de vue le plaisir pur et simple ? Comment en étais-je venue à ne prendre que des décisions considérées, que je tentais de peser au milligramme ? Que m’était-il arrivé pour que je me retrouve nouée ainsi dans la grande chaîne des conséquences ? Ceci entraîne cela qui fera que. Où avais-je oublié mon désir immédiat ?
Moi j’ai pris le burger Biquette et elle a pris le burger Gaston. Elle a enlevé le lard et ajouté de la mayonnaise à ses frites. Quand la serveuse lui a proposé : « Avec frites et salade ? », elle a répondu : « Sans salade. » Cela m’a saisie et renvoyée vers tellement de territoires qui ne m’arrangent pas. J’aimerais que ma fille, lorsqu’elle est face à un choix, opte pour celui qui est bon pour elle. Celui que moi sa mère, lui son père, tentons de borner par notre éducation, et qui passe souvent par : mangeons des légumes à chaque repas. Elle le sait. Elle m’a regardé d’un air entendu, sans ciller un millimètre de seconde. Il n’y avait je crois, pas de vice dans sa réponse, aucune tentative de braver l’interdit pour le plaisir de le faire. Il y avait autre chose, qui me mettait mal à l’aise, me collait au mur, m’empêchant de parvenir à opposer quoique ce soit à cette enfant. Mon vague « Tu aurais pu prendre quelques feuilles de salade quand même. », ma fille le chopait au vol et l’expédiait loin, très loin, comme une joueuse de base-ball, sûre de son fait. Et j’étais penaude. Quand avais-je perdu de vue le plaisir pur et simple ? Comment en étais-je venue à ne prendre que des décisions considérées, que je tentais de peser au milligramme ? Que m’était-il arrivé pour que je me retrouve nouée ainsi dans la grande chaîne des conséquences ? Ceci entraîne cela qui fera que. Où avais-je oublié mon désir immédiat ?
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