Sur les grandes routes bordées d’arbres aux feuilles rouges, oranges, jaunes, vertes, alors que nous tentons de nous repérer dans l’espace, de trouver le bon chemin sans GPS, je fais plus que jamais l’expérience de ces forces inégalement attribuées, en tous cas variablement.
Ces derniers jours, je dois faire face à nombre de mes inaptitudes. Je ne parle pas de situations nouvelles, inconnues, qui font le lot des voyages, mais de ces inaptitudes ou incompétences que l’on trimballe et qui nous font parfois, nous sentir moins que rien. En écrivant ces mots, je réalise que plus que l’inaptitude, c’est l’incapacité à y faire face, à l’accepter comme telle, qui soulève mon questionnement.
Il y a quelques jours, elle était devant moi sur l’écran, à côté de son frère. Nous avions six heures de décalage sur l’horloge qui régit nos journées et je les écoutais me raconter comment ils étaient nés, où ils avaient grandi, les décisions qu’ils avaient prises jusqu’à la dernière : relier le sud de la France à la Colombie, en voilier, pour aller construire un dispensaire de soins. Peut-être aurais-je l’occasion de vous reparler de leur projet et du récit que l’on me demande d’en faire. Elle a 21 ans, il en a 19 et leur maturité est incroyable. Soudain, elle a dit : « L’éducation peut venir de plein de formes différentes. » et depuis que j’ai entendu cette phrase, qui résonne particulièrement pour moi, à l’heure où nous avons choisi une voie différente pour l’année scolaire de nos enfants, j'ai envie de parler de ça. De la façon dont on apprend ou pas, des questions que je me pose au sujet de l’éducation de nos enfants, de la densité de mes doutes, de la fragilité d’une conviction dès lors qu’elle ne suit pas un ordre clairement établi et une voie clairement tracée, de la façon dont je pourrais négocier ou pas avec mes inaptitudes. Mais je ne peux pas lutter parce qu’en réalité, et sans doute est-ce le même sujet, c’est une autre phrase qui me tisonne depuis la semaine dernière. Ce n’est pas une interview en visio cette fois-ci mais une rencontre en chair et en os, dans la forêt québécoise, au bord d’un lac dont la petite île au centre me rappelle la nôtre, sur notre étang là-bas, en France. C’est une phrase que j’aimerais vous proposer comme une question, à laquelle j’adorerais que vous pensiez quelques minutes, quelques temps. Elle me fait penser à cette théorie invitant à davantage travailler ses points forts que ses points faibles et dont je n’ai jamais vraiment su quoi penser.
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